Même si l'attente est là

Publié le par HélèneMêmesi

Ce matin-là, j'ai vu mon fils qui attendait son père. Montre en main. Qui l'espérait si fort. Sac sur le dos. Qui s’inquiétait de quelques minutes de retard. Yeux rivés sur l’asphalte.
Ce matin-là, j'ai regardé mon fils, posté, aux aguets, dans le jardin au pied de l'immeuble. Insensible à l'humidité qui gagnait ses baskets. Tendu vers l'arrivée de son père qu'il n'avait pas vu depuis un mois.
Ce matin-là, j'ai réalisé l'attente si dense de mon fils, cette attente qui était si peu dite lors de tous ces jours sans. Ces jours sans son père, à ses côtés, au quotidien, depuis bientôt six mois. Tous ces jours durant lesquels mon fils continuait son chemin. Le tri inlassable des cartes Pokémon. L'insatiable lecture de BDs. Les incontournables parties de foot. Les inégalables tours de vélo sur bitume.
Ce matin-là, j'ai su tout l'espoir encore présent qui résidait dans cette attente de l’absent.

Ce matin-là m'a rappelée d'autres matins. Au temps de la garde alternée. Quand j'apercevais mon fils devant la maison. Cette maison dans laquelle nous avions tenté d'être une famille, un couple avec deux enfants.
Ces matins-là, je voyais mon fils qui me guettait quand je venais le chercher pour la semaine. Quelques minutes de retard étaient alors un drame. Si forte était l'attente. Si grand était le besoin.

Ce matin-là, j'ai songé à la période de vacances qui approchait et qui me renverrait à nouveau à la vacance. J'ai imaginé mon fils avec une pancarte "parent vacant". Vide d'un parent.
Combien d’enfants attendent ainsi ? En pied d’immeuble. Derrière un rideau. Devant une école. En haut d’un arbre. En bas d’une rue. Au bord d’un stade. Dans une voiture. Sur un quai.

Combien d’enfants attendent ainsi ? Des pères qu’ils ne voient pas, peu ou plus.

Ce matin-là, les larmes de tant d'autres jours sont venues. Car plusieurs nuits peuvent s’infiltrer dans un matin. Même si je sais la saveur de l'instant présent, je sens aussi l'amertume des moments absents.
Ce matin-là, j'ai senti cette attente encore si présente face à l'absent. Cette attente comme la composante de notre existence. J'ai senti la lassitude par moment de me sentir seule à rester toujours présente, à trouver d'autres présences pour combler le vide laissé par l'absent. Sans pour autant le remplacer. Car l'absent est parfois là.

Ce matin-là, l'attente de mon fils m'a renvoyée à ma propre attente. Jusqu’où attendre la présence d'un père soudain absent auprès de ses enfants ? Sans jamais savoir quel serait le prochain week-end. Avec toujours ces mêmes questions, déjà éprouvées lorsque j'étais allée habiter la maison de mes chers aïeux. Apprivoiser le vide, côtoyer l'absence.
Qu'est-ce qui nous fait tant attendre, tant de jours ? Qu'est-ce qui nous fait cesser d'attendre un jour ? Peut-être quand d’autres mouvements se dessinent entre l’acceptation, le renoncement et l’espoir d’autres possibles. Ces mouvements qui nous font délaisser l’attente pour enlacer le réel.

 

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