Même si tu n’es plus, le mouvement continue
Même si je n’étais pas née, je t’ai imaginé mon aïeul besogneux.
Dans le bruit, le métal, les jours déclinants, les aubes naissantes, .
Même si je n’étais pas encore de ce monde, je rejoins souvent le tien avec cette sensation persistante d’avoir vécu, à tes côtés, ce soir-là et les lendemains qui ont suivi.
Du léger frémissement dans l’attente des résultats au cri de soulagement dans l’espoir des actions.
Parce que je l’ai entendu cette histoire. Du travail qui peut s’arrêter plus tôt, de la vie qui peut continuer plus tard. Je l’ai entendu cette histoire de ta vie, dans le mouvement de l’Histoire.
Mon aïeul tempétueux, tu avais 61 ans quand je suis née. L’âge de ta retraite plus un an.
J’ai connu tes bras à quelques jours. J’ai connu nos étés à quelques kilomètres. J’ai connu tes tempêtes à quelques moments. J’ai connu ton sourire à quelques repas. J’ai connu ta main à quelques heures de ta mort.
Mon aïeul tumultueux, j’avais 35 ans quand tu n’étais plus. L’âge de ton repli un an après ma deuxième naissance en mère.
J’ai connu d’autres jours à quelques bras d’ici. J’ai connu des saisons à quelques forêts. J’ai connu des moments de fortes perturbations. J’ai connu des repas qui desservent les sourires. J’ai connu la vie à quelques mains tendues.
Même si tu n’es plus, je t’imagine mon aïeul ouvrier.
Sur chaque pancarte. A chaque pas. Sur le parking Battant. A chaque fois. Sur l’avenue Édouard Droz. A chaque poing levé. Sur la place de la Révolution. A chaque cri.
Comme si tu étais dans ces « on est là même si Macron ne veut pas, nous on est là ».
Car je suis là avec toi. En ta mémoire de retraité au coups de gueule et au grand cœur.
En pensant à toi, je sens la soif de justice face à celles et ceux qui assèchent.
En te faisant revenir à nous, je sens le flot qui déferle pour contrer le règne des indignes.
Même si tu n’es plus, le mouvement continue.